Foie gras, roquefort, truffes, moutarde. Producteurs et industriels accusent le coup ... et se tournent vers les pouvoirs publics et Bruxelles pour obtenir des
compensations.
Les producteurs et transformateurs français des produits du terroir
"ciblés" par les Américains en raison de leur image emblématique font leurs comptes. Et parce qu'
ils se sentent à des années-lumière de la partie d' échecs qui se jouera principalement entre Européens et
Américains dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce sur l'affaire du boeuf aux hormones, mais, au-delà, pour la conquète du monde en matière alimentaire, ils en ont gros sur le
coeur.
Tout naturellement, ils exigent donc réparation face aux dégâts passés et
à venir pour les dizaines d'entreprises concernées. Une première réponse leur a
été donnée par Jean Glavany. Le ministre de l'Agriculture considère en effet qu'
il sera difficile d' indemniser directement les producteurs français de roquefort, foie gras.
Mais il a laissé la porte ouverte en indiquant qu'il serait possible de favoriser des actions de promotion, notamment
à travers la Sopexa (Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires) pour leur permettre de rester présents sur le marché américain en dépit des surtaxes douanières.
Boucs émissaires, les producteurs français? Assurément. Mais pas forcément victimes, bien au contraire. Car en désignant d'un doigt vengeur ces symboles de l'
"éxception culinaire française", les autorités américaines ont contribué involontairement
à ressouder les Français pour défendre leur terroir. Et, au
delà une certaine idée de la qualité, donc de la manière de produire, de se nourrir. Sans compter la fantastique publicité faite involontairement
à ces produits. Hélas, il y a parfois des récupérations encombrantes et des combats où l'on se trompe d'adversaire.
Rentrer les couteaux
Telle est "l'affaire McDonald's" surgie au coeur de
l'été. Symbole contre symbole, certes, mais un débat faussé
.
Car l'entreprise américaine, fût-elle aux antipodes de la restauration dite
"à la française", fait tout de même travailler pas moins de 45 000
éleveurs français, ce qui, depuis la perte de confiance des consommateurs après le scandale de la vache folle, n'est pas négligeable, on en conviendra. Comme ne sont pas négligeables ces dizaines de milliers de tonnes de pommes de terre achetées avec une régularité de métronome dans le nord de la France. Idem pour le blé. Il n'y a guére que les graines de sésame agrémentant les petits pains qui viennent d'Amérique centrale. Parce que l'Europe n'en produit guere.
Spectaculaire, la décision américaine de taxer à
100 % certains produits culte, avec la bénédiction de l'Organisation mondiale du commerce, touche pourtant très peu la France si, notamment, on prend en compte le volume des sanctions imposées
à l'Allemagne.
Ces grands charcutiers de l'Europe voient pénaliser, ainsi que les Danois, leurs exportations de viande de porc mais aussi de jus de fruit et de chocolat.
Dispositif en ordre de bataille
Préjudice important aussi pour les Italiens, qui se trouvent avec des tonnes de tomates en
boîte sur les bras. Le volume total des denrées visées en Europe se chiffre
à 750 millions de francs. C'est le deuxième grand conflit commercial entre Bruxelles et Washington. Le précédent porte sur la banane. Près de 1,2 milliard de francs d'importations européennes sont
déjà taxées à 100%.
Alors que l'on se rapproche de la réunion préparatoire,
à Seattle, de la grande conférence sur le commerce mondial, les Européens, très occupés
à remettre leur dispositif bruxellois en ordre de bataille, ne paraissent pas avoir encore défini une attitude homogéne face
à des Américains qui, campagne électorale à l'horizon, feront preuve d'une totale
intransigeance.
L'autre question est de savoir si, dans cette affaire, les Quinze, qui ne partagent pas forcément les mêmes intérêts donc les mêmes idées en matière de politique agricole, feront tout de même cause commune. On peut
évidemment en douter lorsque l'on voit la position traditionnelle de la Grande-Bretagne. N'a-t-elle pas
échappé aux sanctions américaines du début de l'été?
Un aspect, en revanche, est certain : les agriculteurs français, très divisés syndicalement devront, pour un temps, mettre les couteaux au vestiaire et soutenir les négociateurs français et européens dans un combat aux conséquences autrement plus capitales,
á long terme, que les coups de menton de l'administration américaine
à l'encontre des représentants de nos bons terroirs.
Aux vitrines des librairies françaises
Une rentrée dans le sang et les larmes
Après la rentrée politique et la rentrée scolaire, voici depuis quelques jours la rentrée littéraire en
France.
Mais quelle rentrée! Environ 600 livres dont 334 romans français (dont 75 premiers) et 177
étrangers.
Comme nous n'avons lu qu'un peu plus du dixième de cette production, nous avons choisi pour notre sélection que les ouvrages dont on parle, dont on parlera au moment des prix littéraires de novembre, dont il faudra savoir parler au cours des conversations des prochaines semaines... Nous oublierons de ce fait le premier roman de Bernard Tapie, les confessions de l'égérie de l'UDF, Christine Boutin dans Les larmes de la République ou l'autobiographie d'Oliver Stone Rêveur né. Choix donc uniquement dans le domaine romanesque, et pour qu'il vous procure de très agréables heures de
lecture.
Il est fini le temps (pas si lointain) où les romanciers de l'Hexagone découvraient leur nombril et nous racontaient les heurs et malheurs de leur vie quotidienne, ou la minuscule
épopée de leurs parents. Désormais la famille n'est plus à la mode, et le nombril n'intéresse que les candidats au
piercing.
Ce qui fait mouche, ce qui
émoustille, ce qui séduit journalistes et médias, ce qu'on appelle
"tendance", ce n'est plus l'épiderme, mais ce qu'il y a dessous : la viande, les entrailles, les sécrétions du sexe. Faut que
ça saigne, que ça gicle, que ça pue. A en vomir. Avec Viande de Claire Legendre (Grasset), Apologie de la viande de Régis Clinquart (Le Rocher), ou La Douceur de Christophe Honoré (L'Olivier), Herbert jouit de Clotilde Escalle (Calmann-Lévy) ouencore Mordre au travers de Virginie Despentes (Ed Librio)... On est, pour nous, loin de la littérature.
Alcool, sexe, prostitution, torture, drogue, folie, inceste, misère, apocalypse et fin des temps : la rentrée littéraire
évoque ces magasins où l'on vend du bois au détail - sauf que c'est l'homme, ici, qui est proposé
à la découpe. Et contrairement à ce que certains pensent, ce voyage au bout de l'horreur n'est pas le récit des cauchemars du
monde contemporain, mais seulement la volonté d'être
"dans le coup", à la mode, et ce depuis les réussites des livres de Marie Darrieussecq avec Truismes en 1997, ou de Virginie Despentes avec Baise-moi en
1998.
Doit-on préférer
à cette esthétique "gore", les écritures aseptisées, "clean" de nouveaux venus, genre premier de la classe, qui font du roman au cordeau : pas un verbe, pas une virgule, pas un adjectif qui dépasse? Charles Pépin (Descente, Flammarion), Antoine Piazza (Roman fleuve, Ed. du Rouergue), ou Charles Spielberger (Touche, Le Seuil) font dans le parfait glacé.
Si nos auteurs
écrivent quand même et toujours l'amour, la mort, le deuil, le voyage, l'errance, la solitude, le rire... d'autres thèmes, nés de l'actualité, apparaissent. Les hommes de la rue (les sans domicile fixe) que la pauvreté a jetés sur le pavé entrent en littérature avec Jean-Claude Izzo (Le soleil des mourants, Flammarion), John Berger (King, L'Olivier) et Jean-Pierre Andrevon (Gueule de rat, Ed. de la Table
Ronde).
La tragédie algérienne et ses violences inspirent aussi de superbes et douloureux romans. Jasmine Khadra, A quoi rêvent les loups (Julliard), Amin Zaoui, La Razzia (le Serpent
à plumes), Slimane Bena•ssa, Le fils de l'amertume (Plon), et Boualem Sansal, Le Serment des barbares (Gallimard) transcendent la salutaire dénonciation et composent des oeuvres dont la puissance créatrice dépasse les contingences historiques et les drames qui les ont
suscitées.
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