souffles
numéros 13 et 14, 1er et 2e trimestre 1969

action plastique : exposition jamaâ lfna. marrakech
pp. 45-46

 

     A partir du 9 mai et durant dix jours, s'est tenue à Marrakech, Place Jamaâ Lfna, une exposition organisée par six peintres: Mohammed Ataallah, Farid Belkahia, Mohammed Chebaa,, Mustapha Hafid, Mohammed Hamidi et Mohammed Melehi.

     Cette manifestation constitue la première exposition en dehors des galeries dans l'histoire de la peinture moderne au Maroc.

     Cette expérience que les peintres cités espèrent continuer pour mieux l'approfondir sera probablement renouvelée dans d'autres villes du pays.(1)

     Nous donnons ici la parole aux peintres eux-mêmes pour situer dans leurs propres préoccupations, la signification de cette nouvelle forme d'action plastique.

     «A Jamaâ Lfna, à Marrakech, se déroulent à longueur de journée différents spectacles populaires. Dans cette atmosphère collective, les gens (de la ville, de la campagne, de toutes les couches sociales) se promènent dans un état d'âme particulier. Nous avons accroché nos travaux dans cette place pendant dix jours. Nous avons voulu rejoindre le public populaire là où il se trouve, disponible et décontracté, et nous lui avons proposé cette manifestation vivante: des tableaux exposés à l'air libre, dans une place publique. Des travaux en dehors du cercle fermé des galeries, des salons, dans lesquels ce public n'est d'ailleurs jamais rentré, ne s'est jamais senti concerné par ce genre de manifestations en vase clos. Des travaux qui subissent les mêmes variations atmosphériques que les gens, les murs, la place entière.

     «Nous avons pris totalement en charge notre idée, et personne n'a servi d'intermédiaire entre nous et les gens qui sont venus par centaines voir de près nos travaux, ou qui les ont regardés de loin, des autobus, des boutiques, allant ou revenant de leur travail.

     «Avec cette confrontation, nous avons voulu, non seulement nous présenter directement et sans formalités à un public varié, mais aussi remettre en question les préjugés de type académique qui, d'une manière ou d'une autre, sont arrivés à influencer la façon de regarder de l'homme de la rue. Nous avons voulu aussi réveiller l'intérêt de cet homme, sa curiosité, son esprit critique, le stimuler, faire de manière à ce qu'il intègre de nouvelles expressions plastiques dans son rythme de vie, dans son espace quotidien. Les longues discussions qui sont nées d'une manière sincère et directe nous encouragent à penser que ces buts peuvent être atteints, car, à la base, nous avons trouvé une grande réceptivité malgré les préjugés qui sont formulés à l'encontre de ce public. Et nous pouvons dire, à coup sûr que ces discussions et toute l'expérience dans son ensemble ont été très importantes pour nous: nous nous sommes en effet posés d'une manière concrète le problème de l'art intégré au cadre urbain, à la rue, à la vision éloignée, à la lumière naturelle, etc... et chose capitale, nous nous sommes rendu compte des problèmes posés par la communication artistique et des barrières qui nous restent à franchir, en nous-memes, entre nous, et envers ce public.»
 




1 - Elle se tient, au moment où nous mettons sous presse, à Casablanca, Place du 16 Novembre.
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