souffles
numéros 13 et 14, 1er et 2e trimestre 1969

hamed gharbaoui : peuples d'étoiles et d'enceintes
pp. 25-26

 

 
peuples d'étoiles. Peuples d'enceintes. D'herbes magiques
entre vous. Entre moi. Le crâne fracassé brille. Brille
et sa chair boueuse. Sa chair sans sources. Meurt. Et remeurt
dans la fosse. Tel un navigateur. Tel un mythe
peuples d'étoiles. Et d'enceintes. Et de neiges
peuples sans chants. Privés de fosses. Privés d'escales
entre vous. Entre moi. Le crâne fracassé brille. Brille
nous portons tous l'incorruptible peau d'arbre
qui nous dévore. Qui nous avale. Nous honore
sur l'épaule. Nous portons tous des fleuves de même âge
des fleuves sans voix. Que nous moissonnons. Creusons. Naviguons
et dans le fleuve. Nos pieds entendent pousser les chênes
pousser les herbes. Pousser mer
peuples d'étoiles. Et de fosses. Et de forêts
peuples de chants. De, serments. D'échos
les îles d'orphelins. Que nous portons dans la peau. Dans le sang
les îles d'orphelins. Que nous déterrons. Et buvons
peuples de lumières. Peuples de fosses. De crânes
entre vous. Entre moi. Pousse un rocher
un rocher qui chante. Et aboie. Et gémit
les fontaines en exil. Les fontaines sont fables
les fontaines sont chaos. Sont soif
la sensibilité des roches. La sensibilité des îles sont leurs chaînes
leurs batailles. Leurs oiseaux. Leurs privilèges
les enceintes sont leurs moissons. Leurs étoiles
peuples d'étoiles. Et d'enceintes. Et d'exil
les enclumes que nous portons aux cous nous métamorphosent
et de la profondeur de chacun de nos cris naît un déluge
peuples de fleurs. Et de lions. Et de chars
peuples de printemps. De déluge. Et d'ossements
le délire du fouet est notre délire. L'éclair notre damnation
le taureau aux yeux d'écailles. Le taureau aux yeux d'oliviers
un taureau de parfum. Et de luth. Et de tourbillons
nous sommes les forgerons de la nuit d'Erèbe
peuples d'étoiles. Et d'enceintes. Et d'herbes
nous sommes le fer. Le glaive. Le rasoir
les chiens de la cité sont nos chiens. Les peines nos anémones
de la flamme de chaque olivier que je suis. Que tu es. Que nous sommes
de la flamme de chaque vigilance germent un coq, une chouette, un hibou
peuples de sangliers. De colombes. Et de moineaux
nous sommes la barque. Qui est hiver. Qui est été. Qui est épée
le temps et la faux sont nos ailes. Nos enclumes
peuples d'orphelins. De jours. Et de richesse
les îles sont les géants. Le chant harmonieux des roches
le tragique chant des jours que nous entendons en chacune de nos victimes
au son du tambour nous nous exécutons dans une joie féroce
aux mugissements des arbres, nous demeurons spectres sans écailles
peine sans nectar. Moissons sans, épis. Glaive sans anémones
debout. Levez-vous. Peuples d'ombres. Peuples de morsures
debout. Levez-vous, peuples de murs, de prisons. De roches
debout. Levez-vous. Peuples d'étoiles. De fleuves. Et d'enceintes
 

Page suivante
souffles: sommaire du premier et deuxième trimestre 1969 ou sommaire général
Sommaire de ClicNet

souffles juillet 2000
cnetter1@swarthmore.edu
spear@lehman.cuny.edu