pp. 94-97

     L'équipe de SOUFFLES lance de nouveau un appel à tous les lecteurs pour qu'ils prennent en charge cette rubrique. Nous voulons que Liaison soit une véritable tribune libre où nos lecteurs pourront exposer leur point de vue concernant la matière publiée dans chaque numéro, et nous aider, d'une manière générale, à l'orientation de la revue.

     SOUFFLES a reçu, surtout depuis la publication du n° 15, consacré à la révolution palestinienne, une abondante correspondance. Nous avons cependant préféré ne pas la publier, vu qu'elle contenait surtout des encouragements et des félicitations. Tout en remerciant nos lecteurs de leur soutien, nous nous devons cependant d'attirer leur attention sur le fait que nous attendons de leur part une contribution plus active et plus critique.

     C'est pour cela que nous appelons à la constitution de « comités de lecture de SOUFFLES ». Ces comités pourront nous envoyer régulièrement une critique globale ou détaillée de chaque numéro. Ils pourront aussi nous aider dans le choix des dossiers, thèmes, des futures livraisons. Il s'agit de l'indication claire que SOUFFLES doit être élaborée par tous et non par un seul groupe et que l'entreprise dépendra en fin de compte de l'engagement militant de chacun.

                            afrique, un seul et même combat

                            

                                 liaison

 

un combat sans complaisance mené depuis 4 ans

     Le fond des derniers numéros de SOUFFLES est plus substantiel et l'exigence plus grande. Par la force des choses et l'esprit d'un combat sans complaisance mené depuis 4 ans, le choix idéologique se définit davantage dans son aboutissement arabe démystificateur et constructif. L'étape qui s'ouvre devant vos efforts est peut-être plus redoutable que la précédente et il faut que vous y engagiez, en premier lieu, la jeunesse du Maehreb, sinon la partie sera perdue pour nos exigences à tous...
                           Mostéfa Lacheraf                      (Buenos Aires)

un instrument de décolonisation et de lutte

     Grâce à vous, le Maghreb peut s'enorgueillir d'avoir sa propre tribune. Le temps est fini où il fallait passer par Paris ou autres pour s'exprimer et communiquer avec son propre public. C'est en cela que SOUFFLES est un instrument authentique de décolonisation et de lutte.
                         Mohammed Laaroussi,    Etudiant (France)

une tribune du peuple

     II est indiscutable que SOUFFLES est devenu aujourd'hui une tribune à partir de laquelle les intellectuels engagés peuvent jouer leur véritable rôle, celui de médiateurs entre la création et les masses, de propagateurs des idées justes, rôle dans lequel chaque parti est à la fois éducateur et éduqué, rôle dans lequel théorie sans pratique devient inconcevable et non viable, rôle enfin dans lequel se forgent les concepts opératoires pour la valorisation de notre culture nationale.

     Face à la presse de complaisance qui tend à faire de l'infor-mation un instrument, de mise en condition et de mystification, SOUFFLES nous offre aujourd'hui une autre alternative, celle du combat culturel, partie prenante de la lutte des masses populaires contre l'exploitation et l'oppression. A cet égard. malgré ses faiblesses (d'ordre linguistique, SOUFFLES peut se prévaloir du titre de tribune du peuple. Concrètement, je serais heureux de pouvoir collaborer d'une façon ou d'une autre à la diffusion militante de
SOUFFLES.
                                                                                     Un lecteur propagateur
                                                                                     Ramdane D. - (Kénitra)

     Nous remercions M. Ramdane D. de vouloir participer au travail militant de notre revue. Nos colonnes lui sont ouvertes. Concernant nos « faiblesses d'ordre linguistique », nous tenons à lui annoncer, ainsi qu'à tous nos lecteurs, que SOUFFLES en langue arabe ANFAS verra bientôt le jour.

     Nous tenons aussi à remercier M. Abdeljalil El Afia de Marrakech qui nous a envoyé un texte intitulé « Marrakech, pauvre Essaouira, la liste s'aggrandit ». Ce texte, chronique vivante de la ville de Marrakech, de ses aliénations, a retenu toute notre attention. Nous nous excusons cependant de ne pas pouvoir l'insérer dans le présent numéro. Nous le retenons donc pour le prochain.

à propos des "enfants du haouz"
une lettre de idriss karim

     J'ai lu avec une certaine stupéfaction le petit article consacré aux « Enfants du Haouz » où j'ai relevé certaines inexactitudes. Il est regrettable que l'on puisse lire, dans une revue telle que SOUFFLES - que je continue à considérer comme la seule au Maroc capable, en ce moment, de mener (entre autres objectifs), l'harassant combat pour la défense de notre culture nationale, un article aussi superficiel qu'inexact, sur un film dont le contenu est d'une brûlante actualité. Le genre de court-métrage (37 mn pourtant) qu'est « Les Enfants du Haouz » s'appelle justement documentaire parce que ce dernier a des qualités spécifiques que le court-métrage de fiction ne possède pas. Le documentaire, comme on le sait, (voir l'explosion russe, Tziga Vertov et autres, « Brighton School » avec Grierson... Flaherty, ainsi que l'inlassable combattant, celui qui a consacré toute sa vie à la lutte, depuis l'âge de 19 ans - il a maintenant la soixantaine passée - je veux parler du Grand Ivens), part de l'étude très poussée des problèmes à traiter. Le résultat filmique en est alors la synthèse, l'essence. Le rôle des recherches dans le documentaire est énorme et reste à la base de toute réussite dans « le cinéma moderne ». Inutile de citer des exemples... Et l'échec - si l'on est d'accord avec cette triste constatation - du cinéma au Maroc, est dû, en grande partie, à ce désintéressement du documentaire, source d'études et d'approfondissement, d'observation par le contact quotidien avec la réalité d'apprentissage... de la vie, pourrais-je dire. On parle de crise de sujets quand la vie de tous les jours nous en fournit à chaque heure ; que l'on loue une chambre dans une maison marocaine à plusieurs locataires, et que l'on observe ses voisins pendant six mois seulement...

     J'ai horreur des déclarations, mais je me permets aujourd'hui d'affirmer que je reste profondément convaincu que la seule voie du documentaire et de ses multiples possibilités, mènera à de nouvelles perspectives, permettant de promouvoir un cinéma authentiquement marocain. Je ne parle pas ici des spécialistes du documentaire, condamnés à ne faire que cela. Je parle du documentaire comme moyen et méthode de travail, pour un temps au moins. Il y a là certainement un inconvénient : le documentariste est pareil au savant dans son labo, il travaille dans l'ombre, alors que certains de nos cinéastes préféreraient peut-être le vedettariat, la photo à la première page de « l'Opinion » et les conversations qui s'ensuivent, entre snobs.

     Ceci dit, je reviens à l'article publié : je ne vois pas très bien à quoi vous faites allusion en parlant des « auteurs » (« ce court-métrage avait pour but selon ses auteurs »...) Peut-être faites-vous allusion à ces jeunes paysans qui ont joué dans le film une tranche de leur vie, qui m'avait tant impressionné lors du mois de préparation (sans compter le tournage lui-même), que j'ai vécu avec eux, les observant, les interrogeant sur mille petits détails, où j'ai appris moi-même plus que je n'ai donné...

     Le résultat était ce film, « qu'un des auteurs » de cet article a pu voir. Il ne s'est même pas souvenu des propos de ces jeunes, si libres, si spontanés, si francs, si courageux (une des choses principales qui avait horrifié les responsables de la censure), pour avoir noté dans son article que le commentaire « était lu par un jeune paysan ».

     Effectivement, le film a été fait par les jeunes, en ce sens qu'ils ont contribué pour une large part à sa conception même. Les thèmes ont été débattus ensemble. L'idée de faire parler trois d'entre eux, chacun traitant un aspect de leurs problèmes et dont la somme sera égale à l'ensemble de leurs préoccupations générales, venait directement d'eux. Comme pour la musique de ce film : je n'étais qu'un arrangeur, possédant certaines techniques... Ceci dit, le seul auteur, à ma connaissance, des « Enfants du Haouz », est bien celui qui a écrit, réalisé et monté le film. Je n'en connais pas d'autre, dans l'acception classique du terme.

     Par ailleurs, je vous signale que le film n'est pas fait d'après l'enquête de Paul Pascon. Il la rejoint, il la confirme, dans sa justesse et sa véracité. Prétendre le contraire serait une grave contradiction et porterait atteinte à l'authenticité à la fois du film et de l'enquête...

     Ne pensez-vous pas que les « Enfants du Haouz », vu les problèmes qu'il traite, son interdiction arbitraire, « rapport particulier à un cinéma à venir », etc... méritait un article plus approfondi, une campagne de protestation, des pétitions...

     Par ailleurs, .1e ne suis pas d'accord sur les16 pages consacrées à Solanas et Getino, sans justification. Je ne parle pas du contenu, sur lequel en partie je demeure d'accord. Il aurait fallu présenter « La hora de los hornos » ou un débat sur le cinéma du Tiers-Monde, cinéma de combat... autrement ce texte important reste sans écho. Bravo pour Don Lee ! La rubrique LIAISON est une excellente initiative....

                                                                               Idriss Karim. LODZ (Pologne)

réponse

     La diatribe que nous a valu l'article informatif sur les « Enfants du Haouz » dans le dernier numéro de SOUFFLES, ne nous semble nullement justifiée, surtout de la part d'un camarade cinéaste connaissant parfaitement nos idées et la nature du combat que nous menons, pour avoir participé lui-même, au moins sporadiquement, à l'entreprise.

     L'argumentation développée tout au long de cette lettre (dont nous avons préféré supprimer certains passages franchement inamicaux, sinon insultants) repose sur des interprétations et des déductions assez étranges.

1. Nous n'avons jamais douté du fait que « Les Enfants du Haouz » ait été l'œuvre d'Idriss Karim. Textuellement, on peut lire dans cette note consacrée au film qu'il s'agit « d'un court-métrage d'Idriss Karim » et plus loin, dans la fiche technique. « Réalisation Idriss Karim ».

2. Nous avions en effet précisé que le film a été « réalisé d'après une enquête dirigée par P. Pascon dans certains, milieux ruraux marocains » et « qu'il a été commandé par l'Office du Haouz ». Par là, il est clair que ce que nous voulons dire est que l'idée qui a servi de point de départ au projet du film est l'enquête. Or, nous savons très bien qu'il y a une différence entre une enquête sociologique et un film. Il n'était pas besoin de nous le rappeler avec cette véhémence accusatrice.

3. La notice consacrée aux « Enfants du Haouz » n'était pas une étude analytique et exhaustive. La « superficialité » de ce texte vient simplement du fait qu'il avait un but informatif, en liaison d'ailleurs avec la campagne (à laquelle nous avons contribué) contre la projection au Maroc des « Bérets Verts » de John Wayne.

     Le but de ce texte était très précis. Montrer encore une fois la nature réelle d'une certaine politique de la censure au Maroc.

     Ce faisant, (et en mettant entre parenthèses notre appréciation du film sur le plan artistique, idéologique et politique), ce texte devait être compris comme une position de principe de notre part, position qui restera de toute manière inébranlable chaque fois que la liberté d'expression sera mise en cause, que ce soit dans le domaine cinématographique, littéraire, journalistique ou autre.

remarques d'ensemble

     La critique du livre de Mahmoud Husseïn est une très importante contribution à la clarification des problèmes idéologiques et politiques du monde arabe. Cet article est d'autant plus précieux aujourdhui que l'ouvrage lui-même est assez introuvable ici...

     La rubrique « LUTTES OUVRIERES » paraît venir aussi à point.

     Concernant le « Dossier Francophonie », je pense que si les articles n'ont pas « accroché », c'est qu'ils étaient, à mon sens du moins, trop théoriques. Je m'explique : j'estime que parler de la Francophonie sans parler d'un certain secrétaire général de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique, agent notoire de la CIA, sans parler des prolongements de la Conférence de Niamey sur les peuples du Tchad et du Cameroun, des livraisons d'avions et d'armes modernes françaises aux régimes de Rhodésie et d'Afrique du Sud, de la lutte de ces peuples pour leur libération, c'est rester trop théoriques. Le lien entre vos analyses et « l'événement » quotidien (Apartheid, livraisons d'armes françaises, légionnaires au Tchad, massacre des ouvriers sénégalais, l'immigration même — en tant que lien avec l'ancienne métropole qui n'est pas tellement ancienne —) qui assaille ceux du moins qui lisent les journaux ou écoutent les radios n'est pas aussi évident que nous le croyons. En ce sens, la parade à la mésinformation — produit typique de la répression impérialiste — n'est pas efficace : nous devons trouver le moyen de montrer que ces événements apparemment isolés sont en fait liés et font partie de la stratégie globale de l'impérialisme qui se fait de plus en plus subtile.

     PS ; La publication du texte de Solanas-Getino est une très bonne initiative.

                                                                Fraternellement Hassan Boucif (Alger)

une haute tenue culturelle


     Je porte un vif intérêt à votre revue que je trouve intéressante au plus haut niveau. Malheureusement, je ne possède que deux numéros (les numéros 13/14 et 15 consacré à la Palestine), que je conserve soigneusement. De plus, votre revue arrive chez nous très en retard et en nombre très réduit. C'est pourquoi, aussitôt que j'eus découvert « SOUFFLES », je m'empresse de m'y abonner pour recevoir régulièrement chaque numéro dès sa parution.

     D'autre part, moi et une vingtaine de mes camarades, nous formons une troupe théâtrale d'amateurs qui œuvre pour un théâtre d'avant-garde et de recherche, à la portée des masses populaires et laborieuses.

     Ceci étant dit, nous ne pouvons nous retenir de porter à votre connaissance combien grand fut notre enthousiasme en découvrant « SOUFFLES » que nous considérons unique en son genre, dans tout le Maghreb Arabe du moins. Nous savons que l'éloge est facile, mais permettez-nous de vous exprimer notre satisfaction devant la haute tenue culturelle de votre revue qui constitue pour nous un outil de travail nous permettant d'assouvir notre « faim » de culture d'avant-garde, engagé dans le combat du Tiers-Monde.

                                                                    Abdelwahab Mallem (Constantine)

______________________________________________________________

                           Vient de paraître

                        El Fath

    La Révolution

     Palestinienne

         et les Juifs

     Le texte que nous présentons est la reproduction intégale d'une série d'articles publiés début 1970, à Beyrouth/ par l'organe officiel du Mouvement de libération palestinienne, Fateh. Il engage non seulement la direction du journal palestinien qui l'a fait paraître mais, avec ce livre, le mouvement Fath dans son ensemble.

     On n'a pas besoin d'insister sur l'importance d'une telle prise de position, qui condamne sans équivoque l'antisémitisme et propose aux juifs d'Israël, pour la première fois aussi clairement, l'instauration d'un véritable dialogue.

     Ce dialogue, les juifs le refuseront-ils purement et simplement, ou, au contraire, prenant leurs interlocuteurs au mot, demanderont-ils dès maintenant précisions et garanties quant au caractère démocratique et non discriminatoire de la nouvelle Palestine qui leur est proposée ? L'avenir le dira.

Collection « Documents »
Un volume 11,5 X 18 de 72 pages ......................................................... 5 F

                       AUX EDITIONS DE MINUIT
                     7, rue Bernard - Palissy, Paris 6e