pp. 49-50

     Nous présentons ci-dessous des fiches sur les luttes de libération nationale de deux pays africains, le Tchad et l'Erythrée.
     Ces luttes sont riches d'enseignement à plus d'un titre. Nous voulons ici souligner leur caractère à la fois arabe et africain.
     De longue date, l'impérialisme a voulu séparer l'Afrique en deux, celle au nord celle au sud du Sahara. Entre les deux, le vide réservé aux Européens dépourvus de sensations fortes et aux exploiteurs avides de pétrole et de minerais. Au nord, les Arabes, blancs ; au sud, les Noirs, ni Africains, ni rien, les Noirs. Aujourd'hui, il tente encore d'opposer l'une à l'autre ces deux parties de l'Afrique ; certains de nos nationalistes bourgeois aux dents longues participent, ici, de temps à autre, à ce chœur.
     Et voilà non seulement l'Afrique arabe, l'Afrique méditerranéenne « blanche » et admise à l'histoire qui se lève, mais aussi ces Noirs, ceux que l'on voulait dépouiller d'histoire et d'humanité. Dans un même combat contre le même ennemi des peuples.
     Et voilà que le vide n'est plus vide, mais combats communs. Le Tchad est-il au nord ou au sud du Sahara ? Arabe blanc ou Africain noir ? L'Erythrée est-elle d'Afrique Noire ou Arabe ?
     Les peuples se lèvent, contre tous les racismes et les sous-racismes. Partie à la fois de la révolution arabe et de la révolution africaine. Construisant le monde nouveau.


l'exemple de l'érythrée et du tchad

   

tchad
révolution au Tchad :
l'impérialisme français à découvert


La néo-colonie française


     Le Tchad est un modèle du néo-colonialisme français :
— 1.284.000 km2. soit deux fois la superficie du Maroc
— 3.360.000 habitants plus 1,5 millions de Tchadiens forcés par la misère à s'expatrier dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie. Population urbaine 7 %. Religions : 50 % de musulmans ; 45 % d'animistes ; 5 % de chrétiens.


— Indépendant depuis août 1960, en réalité :


     langue officielle, le français :


     pouvoir répressif basé sur l'armé française : celle-ci contribue le 16 septembre 1963 au massacre de centaines de jeunes manifestants à Fort-Lamy ; l'administration militaire française directe a été maintenue sur les provinces du Nord jusqu'en 1965.

— La culture du coton et l'élevage, principales ressources agricoles du pays, autres que les cultures de subsistance, sont soumises au monopole de traite de sociétés théoriquement mixtes, mais contrôlées par des groupes français et israéliens : la Cotonfran. la Sonacot, la Sivit, et la SCKN. Dans le nord, les ressources d'uranium sont contrôlées par l'Etat français.

— Le pouvoir néo-colonial pratique une politique raciale tendant à remettre en question la civilisation arabo-islamique du nord, à isoler le nord du pays pour mieux le soumettre à la politique de pillage des monopoles français.

— Taux de scolarisation moyen 23 % dont 75 % au sud et 5 % au nord.

— Président : François Tombalbaye.

Le Front de Libération Nationale du Tchad
Bases militaires


     A partir de premiers noyaux qui s'étaient entraînés en Corée du Nord, le FROLINAT a déclenché la lutte armée le 22 Juin 1966, avec quelques pistolets, par des attaques-surprises et des embuscades qui ont permis d'arracher l'armement à l'ennemi.

     L'organisation des milices populaires dans les villages a permis l'enracinement dans la population et l'isolement des troupes françaises et gouvernementales.

     Aujourd'hui, sans aide extérieure, l'Armée de Libération Nationale compte 4.000 hommes armés, auxquels s'ajoutent 10.000 miliciens non armés. Elle compte deux armées de marche, celle du Centre-Est et celle, organisée depuis le début 1969, du Nord.

     Sur14 préfectures, 9 sont libérées. Le Frolinat dispose de bases d'entraînement à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, Fort-Lamy, et développe des cellules clandestines dans les villes.


Bases politiques

     « Reconstruire une unité nationale vraiment indépendante, rejetant l'emprise néo-coloniale qui a empêché l'émergence des valeurs autochtones du pays : abattre pour cela le régime de Tombalbaye et ses fondements, libérant notre pays de toutes les bases et troupes étrangères qui se sont installées avec sa connivence. Ces bases constituent un danger permanent non seulement pour notre peuple, mais une menace et un instrument de pression permanent sur les autres pays africains frères. Nous voulons construire un gouvernement de coalition démocratique et populaire vraiment représentatif de la réalité du pays et élaborer une politique conforme aux intérêts du peuple et du peuple seulement. En premier lieu dans la campagne réalisant une réforme agraire radicale et distribuant gratuitement la terre à nos compatriotes. Nous voulons supprimer les monopoles économiques des pays capitalistes et nationaliser les secteurs-clés de l'économie nationale. Pour y parvenir, nous combattons par tous les moyens contre un seul ennemi : l'oppression et le dépouillement organisé des masses fondé sur une seule racine vénéneuse, celle de l'impérialisme » (déclaration à Mondi Nuovo. du 28.6.70).

L'échec des forces coloniales


     Les forces d'intervention françaises sont passées de 1.600 à 3.700 hommes appuyés par 32 avions et hélicoptères. A celles-ci s'ajoutent 3.800 hommes des troupes gouvernementales, composées de gendarmes, de parachutistes entraînés au Congo-Kinshasa par des instructeurs américains et israéliens, et des compagnies tchadiennes de sécurité (CTS) formées par les services de sécurité israéliens. En outre, Israël construit un centre d'entraînement para-militaire à Kundul et fournit l'appui technique pour la couverture aérienne de la frontière du Soudan.

     Mais l'intervention de plus en plus sauvage de ces forces ne fait qu'accroître l'enracinement du Frolinat dans la population. Cette année, désespérant de réduire la révolution dans le Centre-Sud et Est, les troupes coloniales ont essayé d'isoler et réduire le Nord. Malgré les destructions de villages, de puits et de palmiers-dattiers par les bombes au napalm et à éclatement, le Frolinat a pu en mars s'opposer à l'offensive à Oumianga-Kebir, Gouro et Teli et infliger de lourdes pertes à l'ennemi.

     La spirale de l'engagement colonial et de l'organisation populaire dans le combat libérateur se développe, inexorable.