les enfants du haouz et les bérets verts

        que devient « les enfants du haouz » ?

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     Il y a trois mois, nous avons eu l'occasion d'assister à une projection du court-métrage de Driss Karim intitulé Les Enfants du Haouz. Réalisé d'après une enquête dirigée par Paul Pascon dans certains milieux ruraux marocains (1), ce court-métrage, commandé par l'Office du Haouz, avait pour but, selon ses auteurs, de reproduire avec le maximum de réalisme les préoccupations de la jeunesse rurale à laquelle d'ailleurs il était avant tout destiné. Cela ne voulait pas dire pour ces auteurs que ce film ne serait pas projeté pour le public urbain, pour le public d'une manière générale.

     La copie que nous avions visionnée était une copie de travail. L'image comme le texte (le commentaire est lu par un jeune paysan. Il est la synthèse des déclarations des jeunes ruraux au réalisateur) étaient à peu près définitifs. Il manquait encore quelques retouches avant que le film ne soit présenté à la censure. Nous ne nous attarderons pas aujourd'hui sur le contenu de ce film. Nous aurons certainement à revenir là-dessus, vu l'importance des problèmes qu'il soulève et son apport particulier à un cinéma national à venir. La question que nous voulons poser est très simple : que devient ce film ? Nous posons cette question évidemment aux producteurs comme aux responsables.

     Nous posons cette question avec d'autant plus d'inquiétude et d'indignation qu'un autre film, étranger, réalisé par un acteur fasciste et anti-arabe, poursuit en toute quiétude sa tournée dans les salles marocaines.

    « les bérets verts »

     II s'agit des « Bérets verts » de John Wayne, projeté au cours de cette année d'abord dans deux grandes salles de Casablanca, ensuite à Fès, Kenitra, etc... Une salle de Rabat l'annonce pour la, les semaines à venir. Il est annoncé également à Tétouan et Marrakech.

     Ce film anti-vietnamien avait soulevé dès son annonce l'indignation de tous ceux qui croient à la juste cause de l'héroïque peuple vietnamien, victime d'une des agressions et guerre d'extermination les plus barbares de ce siècle.

     D'une part donc, un film marocain, traitant un sujet d'un intérêt manifeste concernant la réalité nationale se trouve aujourd'hui bloqué quelque part : bureaucratie ? censure ? laisser-aller ?

     D'autre part, un film de propagande impérialiste et raciste fait la tournée des salles marocaines.

     Il s'agit là d'un double défi à la conscience nationale et aux masses populaires.

     Le problème du cinéma au Maroc (cinéma national, production, distribution) se pose encore une fois dans toute son acuité, l'escalade de l'abêtissement du public et des limites imposées à un cinéma national progressiste ayant atteint un stade alarmant.

     Aujourd'hui, plus que jamais, les choix en matière de politique cinématographique au Maroc étant clairs , chacun est placé devant ses responsabilités.
                                                                                   La Rédaction

Les Enfants du Haouz. Production « Palmeraie Films » et C. C. M.
     Réalisation : Idriss Karim

     Prise de vues : Majid Rechiche
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(1)      Cette enquête, « Ce que disent 296 jeunes ruraux », a été publiée par le Bulletin  Economique et Social du Maroc, n° 112-43, 1969.
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