vers un
                         3e CINEMA (image)


par octavio getino
et fernando solanas

pp. 66-71


     Dans un monde aliéné, la culture - c'est évident - est un produit déformé et déformant.
     Dans le cas spécifique du cinéma - art de masses par excellence - ce qui s'impose c'est une tranformation de simple spectacle en moyen actif de désaliénation. Son rôle dans la bataille pour la libération totale de l'homme est de première importance.
     C'est ce que proposent Fernando Solanas (argentin 33 ans) et Octavio Getino (espagnol, 34 ans) dans cet article dont nous présentons l'essentiel.
     Solanas a commencé ses activités cinématographiques avec le court métrage Seguir andando (Aller de l'avant). Getino, qui habite en Argentine depuis 17 ans, a obtenu le Prix de la nouvelle de la Casa de las Américas, pour son livre Chulleca ; en 1965, il a réalisé un court métrage Trasmallos. Ensemble ils ont récemment réalisé La hora de los hornos (L'heure des brasiers), violente dénonciation cinémato-graphique des injustices auxquelles sont soumis les peuples latino-américains :

     Il n'y a pas si longtemps, cela aurait semblé une folle aventure que de vouloir créer, dans les pays colonisés ou néo-colonisés et même dans les métropoles impérialistes, un cinéma en marge du système et contre le système, un cinéma de décolonisation. Cinéma était jusqu'alors synonyme, de spectacle, de divertissement : objet de consommation. Dans le meilleur des cas, le cinéma pouvait aller jusqu'au témoignage de la décomposition des valeurs de la bourgeoisie ou des injustices sociales, mais d'une manière générale, il ne dépassait pas le cadre d'un cinéma des effets, jamais il n'était un cinéma des causes, il restait le cinéma de la mystification, en dehors de l'histoire : le cinéma de la plus haute. Prisonnier de cette situation, le cinéma, l'instrument de communication le plus efficace de notre époque, était destiné uniquement à satisfaire les intérêts idéologi-ques et économiques des propriétaires des firmes cinématographiques, c'est-à-dire des maîtres du marché mondial du cinéma, pour la plupart nord-américains.

     Etait-il possible de sortir de cette situation ? Comment aborder un cinéma dont le coût devait atteindre plusieurs milliers de dollars, alors que les chaînes de distribution et de projection étaient dans les mains des monopoles ? Comment assurer la continuité du travail ? Comment arriver au peuple avec ce cinéma ? Comment vaincre la répression et la censure imposées par le système ? On peut multiplier les questions dans tous les sens, elles aboutissaient et elles aboutissent encore, pour beaucoup, au scepticisme ou bien à des alibis tels que : « il ne peut y avoir de cinéma révolutionnaire avant la révolution », « le cinéma révolutionnaire n'a été possible que dans les pays libérés », « sans le soutien du pouvoir politique révolution-naire un cinéma ou un art de la révolution sont impossibles ». L'erreur vient de ce qu'on abordait la réalité et le cinéma avec la même optique que la bourgeoisie. On ne proposait pas d'autres modèles de production, de distribution et de projection que ceux que fournissait le cinéma hollywoodien, précisément parce que, sur le plan idéologique et politique, on n'était pas encore parvenu, dans le cinéma, à une différenciation par rapport à l'idéologie et à la politique bourgeoises. Une politique réformiste qui se traduisait par un dialogue avec l'adversaire, par la coexistence, par l'assujettissement des contradictions nationales aux contradictions entre deux blocs supposés uniques : l'URSS et les Etats-Unis, et cela ne pouvait et ne peut encourager autre chose qu'un cinéma destiné à s'insérer dans le système, au maximum, un cinéma qui pourrait être l'aile "progressiste" du cinéma du système ; en fin de compte, un cinéma condamné à attendre que le conflit mondial soit pacifiquement
résolu en faveur du socialisme pour changer alors de signe qualitatif.

     Mais des questions étaient posées, prometteuses, elles surgissaient d'une situation historique nouvelle, une situation à laquelle l'homme de cinéma arrivait avec un certain regard, comme cela se produit habituel-lement en ce qui concerne les couches cultivées de nos pays, dix ans de Révolution Cubaine, l'épopée de la lutte vietnamienne, le développe-ment d'un mouvement de libération mondial dont l'impulsion part du Tiers-Monde, autrement dit, l'existence, au niveau mondial, de masses en révolution, tout cela devenait un fait substantiel sans lequel ces questions n'auraient pas pu se poser. Une situation historique nouvelle et un homme nouveau naissant à travers la lutte anti-impérialiste requéraient aussi une attitude nouvelle de la part des cinéastes du monde entier. La question de savoir si un cinéma militant était possible avant la révolution a commencé à faire place, dans certains groupes encore limités, à celle de savoir si cela était ou non nécessaire pour contribuer à rendre la révolution possible. C'est à partir d'une réponse affirmative que le développement des possibilités a trouvé, petit à petit, à se frayer la voie dans de nombreux pays. Il suffit de citer les Newsreels nord-américains, les cinegiornali du mouvement étudiant italien, les films des Etats Généraux du Cinéma Français et des mouvements étudiants anglais et japonais, continuation et approfondisse-ment de l'œuvre d'un Joris Ivens ou d'un Chris Marker. Il suffit de voir les films d'un Santiago Alvarez à Cuba ou l'œuvre que plusieurs cinéastes sont en train de réaliser dans « notre Patrie à tous », comme aurait dit Bolivar, à travers un cinéma révolutionnaire latino-américain.

     Un débat approfondi sur le rôle de l'intellectuel et de l'artiste devant la libération enrichit aujourd'hui les perspectives du travail intellectuel dans le monde entier. Mais ce début oscille entre deux pôles : l'un, qui se propose de faire dépendre toutes les possibilités intellectuelles de travail d'une fonction spécifiquement politique ou politico-militaire et qui nie les perspectives de toute activité artistique parce qu'on pense qu'une telle activité est forcément absorbée par le système, et l'autre, qui défend une dualité du travail de l'intellectuel : d'une part, « l'œuvre d'art », « le privilège de la beauté », art et beauté n'étant pas nécessairement liés aux besoins du processus politique révolutionnaire, et, d'autre part, engagement politique, généralement sous la forme de signature de manifestes anti-impérialistes. Dans les faits : l'art sans lien avec la politique.

     Ces deux pôles, à notre avis, reposent sur deux omissions ; la première provient d'une conception de la culture, de la science, de l'art, du cinéma, comme de termes univoques et universels, et la deuxième, de ce qu'on ne voit pas clairement que la révolution ne part pas de la conquête du pouvoir politique sur 1'impérialisme et la bourgeoisie, mais du moment ou les masses établissent la nécessité du changement et où leurs avant-gardes intellectuelles, sur des fronts multiples, commencent à l'étudier et à la réaliser.

     Culture, art, science, cinéma répondent toujours aux intérêts des classes en conflit. Dans la situation néo-coloniale, deux conceptions de la culture, de l'art, de la science, du cinéma sont concurrentes : la conception dominante et la conception nationale. Et cette situation persistera tant que le national ne s'identifiera pas avec le pouvoir, tant que régnera la situation de colonie ou de semi-colonie. Bien plus, la dualité ne pourra être dépassée, pour parvenir à l'unique, à l'universel, que lorsque les meilleures valeurs de l'homme passeront de la proscription à l'hégémonie, que lorsque la libération de l'homme sera universelle. En attendant, il a notre culture et leur culture, notre cinéma et leur cinéma. Notre culture en tant qu'impulsion vers l'émancipation continuera, jusqu'à ce que celle-ci se matérialise, à être une culture révolutionnaire et elle entraînera avec elle un art, une science, un cinéma révolutionnaires.

     Le fait de ne pas avoir conscience de cette dualité entraîne généralement l'ntellectuel à aborder les expressions artistiques ou scientifiques telles qu'elles ont été conçues par les classes qui dominent le monde en y apportant, dans le meilleur des cas, quelques corrections. On n'approfondit pas assez les possibilités d'un théâtre, d'une architecture, d'une médecine, d'une psychologie d'un cinéma de la révolution, dans une culture venant de nous et faite par nous. L'intellectuel s'insère dans chacun de ces faits en le prenant comme une entité à corriger au sein du fait même et pas du dehors, avec des méthodes et des modèles propres et nouveaux...

     A travers son action, l'intellectuel doit vérifier quel est le front de travail où il peut faire, rationnellement et sensiblement, le travail le plus efficace. C'est de cette façon, dans cette cruelle et dramatique recherche quotidienne, que pourront naître un cinéma, une médecine, une culture de la révolution, base à laquelle s'alimentera dès à présent l'homme nouveau dont parlait le Che. Pas un homme abstrait, ou « la libération de l'homme », mais un autre homme, capable de se dresser sur les cendres du vieil homme aliéné que nous sommes.

     La lutte anti-impérialiste des peuples du Tiers-Monde et de leurs équivalents dans les métropoles constitue dès maintenant l'axe de la révolution. Le troisième cinéma, c'est pour nous celui qui reconnaît dans cette lutte la plus gigantesque manifestation culturelle, scientifique et artistique de notre époque, la grande possibilité de construire, à partir de chaque peuple, une personnalité libérée : la décolonisation de culture.

     La culture d'un pays néo-colonisé, comme son cinéma, sont simplement l'expression d'une dépendance globale génératrice de modèles et de valeurs nés des besoins de l'expansion impérialiste.

     « Pour s'imposer, le néo-colonialisme a besoin de convaincre le peuple du pays dépendant de son infériorité. Tôt ou tard, l'homme inférieur reconnaît l'homme majuscule, cette reconnaissance signifie la destruction de ses défenses. Si tu veux être un homme, dit l'oppresseur, il faut être comme moi, parler le même langage, cesser d'être toi-même et t'aliéner à moi. Déjà au XVIIe siècle les missionnaires jésuites proclamaient l'aptitude de l'indigène (en Amérique du Sud) à copier les œuvres d'art européennes. Copiste, traducteur, interprète, au mieux spectateur, l'intellectuel néo-colo-nisé sera toujours poussé à ne pas assumer de possibilités créatrices. C'est alors que se développent l'inhibition, le déracinement, l'évasion, le cosmopolitisme culturel, la limitation artistique, les préoccupations métaphysiques et la trahison au pays ». (1)

     « La culture devient bilingue, non pas en raison de l'utilisation d'une double langue, mais à cause de la contiguïté de deux patrons culturels de pensée. L'un national, celui du peuple, l'autre étranger, celui des classes soumises à l'extérieur. L'admiration des classes supérieures pour les Etats-Unis et pour l'Europe est le tribut de leur soumission. Avec la colonisation des classes supérieures, la culture de l'impérialisme introduit indirectement chez les masses des connaissances qu'elles absorbent sans pouvoir les contrôler ». (2)

     De même qu'il n'est pas maître de la terre qu'il foule, le peuple néo-colonisé n'est pas non plus maître des idées qui l'entourent.

     Connaître la réalité nationale suppose s'enfoncer dans le maquis des mensonges et de la confusion, né de la dépendance. L'intellectuel est obligé de ne pas penser spontanément, ou s'il le fait, il court le risque de penser en français ou en anglais, jamais dans la langue d'une culture qui lui soit propre, car celle-ci, de même que le processus de libération nationale et sociale, est encore confuse, en est à ses débuts. Chaque donnée, chaque information, chaque concept, tout ce qui oscille autour de nous est une carapace, un jeu de miroirs qu'il n'est pas facile de démonter.

     Les bourgeoisies indigènes des villes portuaires comme Buenos Aires et leurs élites intellectuelles ont constitué, dès l'origine de notre histoire, la courroie de transmission de la pénétration néo-coloniale. Derrière des mots d'ordre comme « Civilisation ou barbarie ! » lancés en Argentine par le libéralisme européanisant, il y avait une tentative d'imposer une civilisation qui correspondait pleinement aux besoins de l'expansion impérialiste et au désir de détruire la résistance des masses nationales de nos pays que traitait successivement de racaille, de négraille ou de bétail, de même qu'on parlait en Bolivie de « hordes crasseuses ». Ainsi les idéologues des semi-colonies, entraînés à « manier les grands mots avec un univer-salisme implacable, minutieux et sauvage » (3) se faisaient les porte-parole des suiveurs de ce Disraeli qui proclamait : « Je préfère les droits des Anglais aux droits de l'homme ».

     Les couches moyennes ont été et sont encore les meilleurs réceptacles de la néo-colonisalion culturelle. Leur condition de classe ambivalente, leur situation de tampon entre deux pôles sociaux, leur plus grande possibilité d'accès à la civilisation fournissaient à l'impérialisme la possibilité d'une base sociale sur laquelle s'appuyer qui a atteint, dans certains pays d'Amérique latine, une importance considérable.

     Si, dans le cas de la situation ouvertement coloniale, la pénétration culturelle est le complément d'une armée étrangère d'occupation, dans les pays néo-colonisés, à certaines étapes, cette pénétration a la priorité.

     « Elle sert à institutionnaliser la dépendance et à la faire consi-dérer comme une chose normale. Le principal objectif de cette déforma-tion culturelle est que le peuple n'ait pas conscience de cette situation de néo-colonisé qui est la sienne et qu'il n'aspire pas à la changer, ainsi la colonisation pédagogique remplace efficacement la police coloniale ». (4).

     Les moyens de communication de masse tendent à compléter la destruction d'une conscience et d'une subjectivité nationales susceptibles de se développer, destruction qui commence dès que l'enfant a accès aux formes d'information, d'enseignement et de culture dominantes. En Argentine, vingt-six canaux de télévision, un million d'appareils récepteurs, plus de cinquante stations émettrices de radio, des centaines de journaux et revues, des milliers de disques, de films, etc. viennent ajouter leur rôle aculturisant de colonisation du goût et des consciences au processus d'enseignement ouvertement néo-colonial dans le primaire et le secondaire et que complète l'université. « Pour le néo-colonialisme, les mass media sont plus efficaces que le napalm. Le réel, le vrai, le rationnel sont, de même que le peuple, en marge de la loi. La violence, le crime, la destruction en arrivent à devenir la Paix, L'Ordre, la Chose Normale. » (5) La vérité equivaut alors à une subversion. N'importe quelle forme d'expression ou de communication qui tente de montrer la réalité nationale est subversion.

     Pénétration culturelle, colonisation pédagogique, mass media s'unissent aujourd'hui en un effort désespéré pour absorber, neutra-liser ou éliminer toute expression qui réponde à une tentative de décolonisation. Il existe de la part du néo-colonialisme une sérieuse tentative de castrer, d'absorber les formes de la culture qui pourraient naître en marge de ce qu'il se propose. On essaie de leur enlever ce qui pourrait les rendre efficaces et dangereuses : on essaie, en somme, de les dépolitiser. Cela revient à dire détacher l'œuvre des nécessités de lutte pour l'émancipation nationale.

     Des idées telles que « la beauté csi révolutionnaire en soi » , « tout cinéma nouveau est révolutionnaire en soi », sont des aspirations idéalistes qui n'affectent pas le statut néo-colonial, aussi continuent-ils à concevoir le cinéma, l'art et la beauté comme des abstractions universelles et non pas en étroite liaison avec les processus nationaux de décolonisation.

     Toute tentative de contestation qui ne sert pas à mobiliser, à politiser des couches du peuple, loin d'inquiéter le système, est acceptée avec indifférence et même parfois lui convient. La virulence, le non-conformisme, la simple rébellion, 1' insatisfaction sont des produits qui s'ajoutent au marché de vente et d'achat capitaliste, des objets de consommation . Surtout dans une situation où la bourgeoisie a même besoin d'une dose plus ou moins quotidienne de choc et d'éléments excitants de violence contrôlée, (6) c'est-à-dire de cette violence qui, lorsqu'elle est absorbée par le système, est réduite à un simple vacarme. C'est le cas des œuvres plastiques socialisantes convoitées avec délectation par la nouvelle bourgeosie pour la décoration de ses appartements et de ses petits palais ; les œuvres théâtrales frondeuses et tapageusement d'avant-garde sont applaudies par les classes dominantes, la littérature d'écrivains politiques qui se préoccupent de sémantique et de l'homme, en marge du temps et de l'espace, donne un aspect de largeur d'esprit démocratique aux maisons d'édition et aux revues du système, le cinéma « de contestation » est lancé par les monopoles de distribution et sur les grands marchés commerciaux.

     « En réalité, la limite des « protestations permises » par le système est bien plus grande qu'il ne l'admet lui-même. De sorte qu'il donne aux artistes l'illusion qu'ils agissent « contre le système » en allant au-delà de certaines limites étroites et ils ne se rendent pas compte que même l'art anti-système peut être absorbé et utilisé par le système aussi bien comme frein que comme une autocorrection
nécessaire ». (7)

     Toutes ces tentatives, « progressistes », parce qu'il leur manque une conscience de ce qu'il faut faire, de tout ce qui est nôtre, un instrument de notre libération concrète, parce qu'elles manquent en somme de politisation, finissent par devenir l'aile gauchisante du système,1'amélioration de ses produits culturels, la meilleure œuvre de gauche que la droite puisse aujourd'hui admettre et elles permettent à celle-ci de survivre. « Replacer les mots, les actions dramatiques, les images, là où ils peuvent jouer un rôle révolutionnaire, là où ils peuvent être utiles, là où ils se transforment en armes pour la lutte ». (8) Insérer l'œuvre comme un fait original dans le processus de libération, avant de la situer en fonction de l'art, la situer en fonction de la vie même, dissoudre l'esthétique dans la vie sociale, telles sont, à notre avis - et pas autre chose - les sources à partir desquelles, comme aurait dit Fanon, la décolonisation sera possible, c'est-à-dire, à partir desquelles seront possibles la culture, le cinéma, la beauté, du moins, ce qui est le plus important pour nous, notre culture, notre cinéma et notre sens de la beauté...

     « Actuellement, en Amérique latine, il n'y a pas de place pour la passivité ni pour l'innocence. L'engagement de l'intellectuel se mesure aux risques qu'il prend et pas seulement à des mots, à des idées, mais aux actes qu'il accomplit pour la cause de la libération. L'ouvrier qui fait la grève et qui risque de perdre sa possibilité de travail ou de survie, l'étudiant qui met sa carrière en jeu, le militant qui garde le silence sur la table de tortures, chacun d'eux, par ces actes, nous engage à quelque chose de beaucoup plus important qu'un vague geste de solidarité ». (9)

     Dans une situation où « l'état de fait » remplace « l'état de droit », l'intellectuel, un travailleur parmi les autres, qui agit sur un des fronts de la culture, devra tendre, pour ne pas se renier à devenir toujours plus radical afin d'être à la hauteur de son époque. L'impuissance de toute conception réformiste a déjà été suffisamment démasquée non seulement sur le plan politique mais aussi sur le plan de la culture et du cinéma, plus particulièrement dans ce dernier dont l'histoire est l'histoire de la domination impérialiste, de la domination yankee surtout.

     Une culture, un cinéma ne sont pas nationaux parce qu'ils se situent dans des cadres géographiques déterminés, mais quand ils répondent aux besoins parti-culiers de développement et de libération de chaque peuple. Le cinéma qui règne aujourd'hui dans nos pays, créé pour justifier et faire accepter la dépendance, origine de tout son développement, ne peut être autre chose qu'un cinéma dépendant, un cinéma sous-développé.

     Si au début de l'histoire (ou de la préhistoire) du cinéma on pouvait parler d'un cinéma allemand, d'un cinéma italien, d'un cinéma suédois, etc., nettement différenciés et répondant à des caractéristiques nationales propres, aujourd'hui de telles différences ont disparu. Les frontières se sont estompées parallèlement à l'expansion de l'impérialisme yankee et au modèle de cinéma que celui-ci allait imposer : le cinéma américain. Il s'avère difficile, à notre époque, de distinguer à travers le cinéma commercial et même dans le cinéma dit « cinéma d'auteurs », aussi bien dans les pays capitalistes que dans les pays socialistes, une œuvre qui échappe aux modèles du cinéma américain. La domination de ce cinéma est telle que des œuvres monumentales comme La guerre et la paix, du Soviétique Bondarchuk, sont en même temps des exemples monumentaux de la soumission à toutes les propositions imposées par le cinéma américain (structure, langage, etc.) et en conséquence à la conception qui est la sienne.

     L'insertion du cinéma dans les modèles américains, même quand il se limite à la forme et au langage, conduit à adopter certaines formes d'idéologie qui ont eu ce langage et pas un autre comme résultat. L'appropriation de modèles qui, en apparence, ne sont que techniques, industriels, scientifiques, etc., amène à une situation conceptuelle de dépendance depuis que le cinéma est une industrie, mais à la différence d'autres industries c'est une industrie pensée et structurée pour engendrer des idéologies déterminées. Une caméra de 35 mm, 24 images à la seconde ; des lampes à arc, une salle commerciale pour les spectateurs, ce sont là des faits, mais non pas conçus pour transmettre gratuitement quelque idéologie, mais pour satisfaire avant tout les besoins culturels et de plus-value d'une idéologie particulière, d'une conception du monde : celle du capitalisme américain.

                                                                                                                                                                                      SUITE
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(1)     La hora de los hornos (L'heure des brasiers), « Néo-colonialisme et violence ».
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(2)     Juan José Hernandez Arregul. Imperilismo y cultura (impérialisme et culture).
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(3)     René Zavaleta Mercado. Bolivia : crecimiento de la idea nacional (Bolivie : croissance de l'idée nationale).
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(4)    La hora de les hornos, « Néo-colonialisme et violence »
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(5)    Ibid.
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(6)    Remarquez la nouvelle habitude de certains qroupes de la haute bourgeoisie romaine et parisienne qui consacrent leurs fins de semaine à faire un voyage pour                voir de près  l'offensive du Vietcong.
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(7)    lrwin Sliber. « USA : l'aliénation de la culture ».
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(8)    Groupe Plastique d'Avant-garde, Argentine
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(9)    La hora de los hornos. « Violence et libération ».
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