introduction de gwendolyn brooks

don l. lee

p. 40
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ne pleure
pas
hurle

     Don Lee sait bien que rien de ce qui est humain n'est élégant. Les courants littéraires qui aspirent à l'élégance ne l'intéressent pas. Il est très au fait de la littérature élégante (que n'a-t-il pas lu !), mais bien qu'il respecte les avantages et l'influence d'un travail élaboré, cela ne l'intéresse pas du tout de pouvoir aux besoins des départements d'anglais de Harvard et d'Oxford, ou de la Partisan Review, quoiqu'il pourrait, par excellence, leur servir de matière première. Il s'adresse à des noirs avides de ce qu'ils appellent eux-mêmes « la vraie poésie ». Ces noirs se retrouvent et retrouvent ce qui compose leur existence dans l'élan agile, sain, et vigoureux de ses vers libres. L'élégance est bien le dernier de leurs soucis. Il est très difficile d'enchanter par d'élégantes méthodes un type au ventre creux. Il ne peut pas les entendre. Les bruits de son estomac, plus intéressants, sont bien trop forts.
     Don Lee n'a aucune patience envers les écrivains noirs qui ne projettent pas leur noirté vers le publicnoir. Il garde toujours présents à l'esprit certains faits intéressants : « Je suis né en esclavage en février 1942 ».
     De nos jours les poètes authentiques sont les poètes noirs. Récemment l'un des critiques écrivit (à propos des poètes blancs) : «... On ne s'étonne guère de relever un désir ardent de la mort, qui n'est pour eux que l'atroce manière de sauvegarder leur dignité, je dirais même, de survivre - sinon en tant qu'hommes, du moins en tant que poètes ». Plus loin, il ajoute : « Bien que la mort ne puisse résoudre les problèmes de chaque individu en particulier, elle reste cependant la solution que les poètes attendent et souhaitent de toute leur âme ».
     Peut-on imaginer Don Lee adoptant une telle attitude ? Les poètes noirs ne souhaitent pas la mort. Lorsque le choix est possible, ils ne choisissent de mourir qu'en défense de la vie, en sa défense et en son honneur