1er mai

et centenaire

de lénine

pp. 7-8


     La classe ouvrière marocaine, et avec elle les forces progres-sistes du pays ont célébré successivement le Centenaire de V. I. Lénine, fondateur du premier Etat prolétarien, et le 1er Mai, journée internationale de lutte des travailleurs.
     Il n'est pas inutile de rappeler les liens profonds entre ces deux événements. Dès l'émergence du prolétariat industriel au début du XIXe siècle, les ouvriers eurent conscience de leur solidarité contre l'exploiteur capitaliste. Ce fut à la demande de la 1ère Internationale que Marx rédigea le Manifeste Communiste qui se terminait par l'appel historique : «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!».
     Cependant, le lien entre la lutte spontanée de la classe ouvrière et la conscience révolutionnaire se frayait lentement un chemin dans cette phase du capitalisme triomphant. Après l'écrasement de la Commune de Paris en 1871, le mouvement ouvrier reprit lentement des forces en Europe et aux Etats-Unis. Les années 1880 étaient celles où le capitalisme, devenu impérialisme, étendait sa loi de fer et de sang sur le monde et se heurtait en même temps, sur ses propres bases, à la résistance consciente de la classe ouvrière. C'était le moment, pour ce qui nous concerne, où les impérialistes français et espagnols se partageaient le Sahara marocain.

     Mais la résistance de la classe ouvrière au capitalisme aussi dure qu'elle fût, était désorientée par les interprétations mécanistes que les intellectuels petits bourgeois répandaient du marxisme, et, de ce fait, était limitée aux luttes économiques. Ces années 1880 virent donc, aux Etats-Unis, en Angleterre, en France et en Allemagne, se dresser des millions d'ouvriers pour la conquête de la journée de 8 heures. Aux Etats-Unis, ces luttes se heurtèrent à une répression sanglante lors de grandes manifestations organisées le1er Mai 1886, répression qui se renouvela lors des manifestations anniversaires qui suivirent.
     C'est dans ce contexte que, reprenant l'initiative des syndicats américains, le Congrès Constitutif de la IIe Internationale, réuni à Paris en 1889, lança un appel pour faire du1er Mai un jour international de lutte pour la journée de 8 heures.
     Dans les grandes luttes qui, chaque année à partir de 1890, se nouaient autour du 1er Mai, se forgea la solidarité internationale des travailleurs et s'enracina, dans la classe ouvrière de tous les pays, le sens profond du 1er Mai.
     Cependant ces luttes, limitées, comme nous l'avons rappelé, aux objectifs économiques, ne changeaient pas l'exploitation capitaliste. La conquête de la journée de 8 heures amena le capitalisme a augmenter les cadences de travail, à passer à « l'organisation scientifique du travail », à mettre au point le travail à la chaîne. Le travail salarié restait toujours aussi inhumain.
     Dans la lutte du peuple russe contre le despotisme du tsar, Lénine, étudiant révolutionnaire qui, dès l'âge de 17 ans, connut la déportation et l'exclusion de l'Université, qui, à 25 ans, constitua l'Union de Lutte pour la Libération de la classe ouvrière de Pétrograd, reprit l'enseignement essentiel de Marx, mena une lutte impitoyable contre l'opportunisme et l'économisme, fit comprendre que la classe ouvrière ne pouvait se désintéresser de la lutte politique, qu'elle devait au contraire en prendre la direction et vivifier le parti social-démocrate russe. De cette lutte longue et acharnée contre l'économisme, contre la théorie mécaniste de la spontanéité de la classe ouvrière et, en parallèle, contre le double courant aventuriste et opportuniste des intellectuels petits bourgeois, surgirent l'instrument organique et la conscience idéologique qui amena le prolétariat russe à prendre la tête du peuple russe dans la lutte révolutionnaire et à être le premier dans l'histoire à déraciner l'exploitation capitaliste, à établir le pouvoir des travailleurs, des ouvriers et des paysans.
     La classe ouvrière marocaine, pour sa part, a déjà un passé de luttes héroïques et riches d'enseignements, liant sa propre expérience et l'expérience internationale du prolétariat. Dans ces luttes, le 1er Mai a toujours tenu une place éminente.
     Entre 1945 et 1952, chaque 1er Mai permettait de situer la force et la conscience croissante de la classe ouvrière, sa place grandissante dans le mouvement national, dans la prise en main des destinées du pays. Les grandes et dures luttes ds 1947-48 fixèrent une limite à l'arrogance et à l'exploitation éhontée qu'exerçait le patronat colonialiste. Mais la classe ouvrière marocaine, dans ce processus initial d'organisation où elle bénéficiait de l'expérience et de l'aide internationaliste de militants ouvriers français et espagnols, ne s'en tint pas aux luttes économiques. Plongeant dans la nation, largement fécondée par le mouvement national, elle lia ces luttes à la lutte pour l'indépendance qui signifiait aussi pour elle la fin de l'exploitation colonialiste. A la répression grandissante du Protectorat, qui faisait hésiter bien des secteurs de la bourgeoisie nationale, elle sut, les 1er Mai 1951 et 1952, et tout au long de ces années, opposer non seulement sa force et son organisation, mais sa volonté de lutte politique, sa volonté de lier lutte économique et lutte politique.
     Le 8 décembre 1952, une nouvelle phase de lutte s'ouvrait, pendant laquelle les résistants issus des bidonvilles de Casablanca, les paysans du Tadla et du Rif, les étudiants et les artisans de Fès, de Rabat, de Marrakech, de Tétouan, les mineurs de Khouribga et de Oued-Zem, firent voler en éclats l'armature du Protectorat.
     Au moment où l'arrogance du patronat colonialiste et néo-colonial se donne de nouveau libre cours, au moment où l'impérialisme veut renforcer sa présence sur la façade atlantique de la nation arabe, la classe ouvrière marocaine, les militants progressistes marocains, sauront tenir compte des leçons de l'histoire internationale du mouvement ouvrier, de l'enseignement de Lénine, des leçons de sa propre histoire.