souffles
numéro spécial 15, 3e trimestre 1969

abdelkader lagtaa : corps daté 
pp. 96 & 98

 

ce n'est pas parce qu'expire la dernière dune que je vais
refaire de sable et d'alouettes
mon vent carnassier
et ce n'est plus par ce mot en plus que l'été
non-aphasique
même
pas
à
refaire
érugineuse ère encalaminée parmi
mon corps que je traînais partout et qui trop icebergisé
pour ces festivités estivales sinaïques et rire soldatesque et
requiem pour sauver la face

moi trop arabe jusqu'à ne plus reconnaître ma voix avec ma
mère qui s'achète pour l'aïdelkébir un keftan palestine est des
babouches chemin de la liberté
moi l'arabe berbérisé africanisé européanisé américanisé russifié
neutralisé
en passant par-dessus
je dis
plutôt nu que revierger un mont-de-légendes-frontière-pacifiant-
bleu-casqué pour un temps de paix

avec mes tripes pour cratères
avec mes aïeuls pour laves
éteintes
en passant par-dessus
mes ancêtres qui fixaient l'horizon mouvant du regard pour un
demi siècle léthargique
je dis
depuis chergui assidu moi qui ne reçois les missives de la
bien-aimée ni de la mal-aimée
moi qui ne lis plus le monde qui lis le
tricontinental
au tricontinental on me demande de ne plus me poser la
question,
le
devoir
de
tout
révolutionnaire
c'est
de
faire
la
révolution
et qui n'ai fait ni deux vietnams ni trois palestines n'ai même pas
créé un front ou un bordel
en passant par-dessus
je dis
énergumène
ce n'est pas parce qu'expire le dernier vent
que je vais refaire de simoun

 
[en face de la page 96 : action plastique, affiche benseffaj ]

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