Montjoie Palestine
ou l'an dernier à Jérusalem
de Noureddine Aba
(1)

p. 63


     Montjoie Palestine, publié par l'éditeur P.J. Oswald (Honfleur. 1970), dans sa collection « Théâtre Africain », est avant tout un long poème, un grand poème. Il me fait penser, par certains aspects, aux textes essentiels de la période authentique de la négritude, à ces poèmes-manifestes dont le plus célèbre reste, à juste titre, « Le cahier d'un retour au pays natal », d'Aimé Césaire.

     Parmi les œuvres littéraires inspirées dans le monde arabe par la Guerre des six jours, le poème dramatique de Noureddine Aba a certainement une dimension et des qualités particulières. Il faut dire que dans cette production (communément appelée « littérature de la Défaite »: Adab Annaksah), excepté quelques rares œuvres de qualité, on trouve un foisonnement d'oraisons funèbres et de plats exercices de commande dont certains frisent l'opportunisme le plus scandaleux.

     Dans Montjoie Palestine, le retentissement de la Guerre de Juin 1967 déborde immédiatement l'expression subjective du traumatisme individuel ou collectif. Le poète a réussi d'emblée à situer cette tragique épreuve dans son contexte réel, à savoir la longue marche des peuples palestinien et arabes. La littérature maghrébine s'enrichit ainsi d'une œuvre qui dépasse le cadre socio-politique habituel auquel s'en tient la plus grande partie de notre production.

     La littérature arabe s'enrichit aussi d'une œuvre qui, malgré certaines références culturelles plutôt occidentales, embrasse un champ de vision et de perception particulièrement large, directement universel.

     Montjoie Palestine s'adresse aussi (d'abord?) la conscience occidentale. Non pas celle complice de l'Agresseur, mais celle qui compte pour les forces progressistes arabes, celle qui, débarrassée de ses propres traumatismes et aliénations, découvre la légitimité et l'importance de la lutte des peuples arabes et à leur avant-garde le peuple révolutionnaire de Palestine, celle qui autour d'elle, commence à endiguer le flot antisémite et anti-arabe, celle qui mêle sa voix à celle de Noureddine Aba pour réclamer le juste procès des crimes de « L'an dernier à Jérusalem » pour « L'an prochain à Nuremberg »

     Montjoie Palestine est enfin une œuvre de la fraternité. La haine qu'aurait aimé développer l'ennemi sioniste dans le cœur des peuples arabes ne prendra pas. Les forces d'avant-garde arabes sont là pour tenir en échec toutes les mystifications et pour clarifier les voies d'un dialogue hautement révolutionnaire entre tous les fils de cette terre de Palestine, qui, une fois désionisée et démocratique, leur permettra d'enterrer définitivement le spectre de la discrimination et de construire l'homme nouveau.

                                                                                                                                 a. l.
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(1)     Noureddine Aba est né en 1921 à Sétif (Algérie). Journaliste de son métier. Il a publié cinq recueils de poèmes (dont « La Toussaint des énigmes » aux éditions                Présence africaine) et plusieurs pièces de théâtre. Vit actuellement en France.
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