éditorial

pp. 2-3


non à l'état fantoche palestinien


     Depuis quelques semaines, la presse internationale fait regulièrement état de projets de création d'un état palestinien. Si, de prime abord déjà, de tels projets (fomentés dans les chancelleries des grandes puissances) ne sont guère faits pour inspirer confiance, et si même certains militants révolutionnaires affirment (1) leur inexistence, et ne voient dans les déclarations en faisant foi qu'un aspect de la guerre psychologique menée par les milieux impérialosionistes, il est pourtant nécessaire d'examiner de la manière la plus approfondie possible le sens de tels projets, afin de ne pas nous laisser surprendre, ni, encore moins, nous laisser duper.

     La première remarque à faire, c'est qu'aucun des deux projets actuellement les plus en vue -- le premier : rive occidentale du Jourdain + Gaza ; le second : rive occidentale + Gaza + rive orientate (Jordanie) (2) — ne satisfait aux revendications purement nationales des masses palestiniennes, puisqu'ils ne concèdent à ces dernières qu'une partie des territoires spoliés en1948 ou occupés en 1967.

     La seconde remarque, c'est que les deux projets vont radicalement à l'encontre de la solution démocratique préconisée par la Résistance (3), et qui est la seule à favoriser le droit sacré des peuples à disposer d'eux-mêmes, la seule susceptible, selon notre propre conviction aussi, de rétablir la justice historique, de garantir une véritable intégration de la communauté juive dans la région, et d'assurer la paix.

     En effet, au mépris de tout cela, les actuels projets de création d'un état palestinien ne visent qu'à maintenir l'Israël illégitime, sioniste, fasciste et raciste que nous connaissons. Le maintenir à jamais, dans le cadre de « frontières sûres », et bien évidemment reconnues. Car la reconnaissance d'Israël va de pair avec la création de ce qu'on ose appeler un état palestinien. Celui-ci, par ailleurs, serait un « état » infirme, si l'on peut dire, pauvre, depourvu d'un minimum de puissance économique et militaire : dès le début, il serait livré complètement à la domination impérialiste, sinon tout simplement au protectorat israélien !

     On le voit : en cuisinant des projets indigestes de soi-disant état palestinien, c'est à poignarder par derrière les masses palestiniennes que les milieux intéressés pensent, comme on pouvait s'y attendre.

     II est vrai que ces milieux y ont un intérêt très certain — Etats-Unis, Israël, URSS, états arabes capitulationnistes — tous, pour des raisons de fond qui diffèrent de moins en moins, ont un intérêt certain à « en finir » avec la question palestinienne. Leurs tactiques aussi se rejoignent. Soucieux de se concentrer sur l'Indochine, les Etats-Unis ont besoin d'un répit au Moyen-Orient ; Israël, pour sa part, fidèle à une vieille tactique, tient surtout, pour le moment, à obtenir des « frontières sûres », quitte à reprendre par la suite sa lancée expansionniste (que ne contredit d'ailleurs pas « l'état palestinien » envisagé) ; les états arabes, quant à eux, semblent avoir définitivement opté pour la « solution politique » même au prix de la trahison : les classes dominantes préfèrent en effet le pouvoir aux risques d'une lutte conséquente, et, depuis 1967, elles ont découvert les délices de la « construction intérieure » avec l'aide de l'Union Soviétique ; celle-ci, enfin, se préoccupe de sauvegarder ses intérêts stratégiques (et même économiques, de plus en plus) et d'empêcher des développements qui pourraient aboutir à un affrontement avec les Etats-Unis, tout le reste étant négligeable — y compris les aspirations des peuples arabes.

     Ainsi donc, aussi bien pour des raisons de fond que pour des considérations tactiques — au nom, en un mot, de l'équilibre israélo-arabe, soviéto-américain (ou encore soviéto-arabe, israélo-américain) —, ces quatre pôles de la contre-révolution palestinienne sont décidés à « en finir ». Après le demi-échec de l'offensive de septembre, dont ils portent chacun une part de responsabilité, ils n'ont rien trouvé de mieux que d'inventer (4) l'imposture de « l'état » palestinien. Après le coup de poignard dans la poitrine, le coup de poignard dans le
dos !

     La continuité entre ces deux épisodes du plan de liquidation de la résistance palestinienne (l'offensive de septembre et les projets d' « état » palestinien) nous semble en effet se passer de démonstration. Car, outre les premières remarques que nous avons soulignées, le plus grand danger que comporte ce second épisode, c'est qu'il a pour corollaire la perte de légitimité de la résistance palestinienne, l'abandon par le peuple palestinien de son droit à la lutte et à la libération — puisque, dans l'esprit de ses ennemis, il disposerait d'un « état ». A cet égard, il convient de noter qu'on essaie de profiter des impacts de septembre sur le peuple palestinien : de sa haine pour le régime jordanien, de son sentiment d'insécurité — et de son besoin de sécurité ; on essaie de planter ces mauvaises herbes du régionalisme et de la résignation sur un sol encore imprégné du sang de septembre. Et ne fleuriraient que les champs des ennemis du peuple palestinien et de la nation arabe...

     Mais il n'est pas dit que ça se passera ainsi. Ceux qui ont fait échec à l'offensive criminelle de septembre, au prix de leur sang, sauront tourner en dérision les projets grotesques des Nixon, Meir... et autres. Les patriotes et révolutionnaires arabes, tous ensemble, sauront apporter leur soutien actif, plus actif que jamais, à la cause de la Résistance. Celle-ci saura de son côté, sans nul doute, châtier les criminels de septembre, instaurer un pouvoir national en Jordanie, construire un puissant Front national jordano-palestinien, reprendre sa place encore plus décisive dans la marche de la révolution arabe, et faire échec à tous les complots du genre « état » palestinien.

                                                                                                SOUFFLES
                                                                                                  (14.3.1971)
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(1)    Abu Lotf, in interview parue dans Ie n° 4 (février 1971) de la revue  « Dirassat Arabia », Beyrouth.
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(2)     On parle d'un troisième projet, dénommé Etat fédéral sur lequel peu de détails ont fitré jusqu'à maintenant...
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(3)     Voir textes du FDPLP et du Fath sur l'Etat palestinien démocratique.
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(4)      La participation de l'URSS à cette invention est particulièrement odieuse. La presse a fait état de la rencontre pendant laquelle les dirigeants soviétiques auraient                 tenu à peu près le langage suivant à des représentants de la résistance: faites comme les Vietnamiens ou les Coréens, acceptez l'état qu'on vous offre et luttez                 ensuite pour  l'Unité du pays. Qu'on mesure aussi bien l'ignorance que le cynisme que recouvre une telle proposition !
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