Hier se portait encore le chapeau du lettré.
                                            Aujourd'hui nul chapeau : on retrousse ses manches,
                                            A côté des machines on écrit des poèmes ;
                                            Et les poètes c'est nous. Nous les ouvriers. (l)

luttes
ouvrières

pp. 4-5

     Nous ne croyions pas si bien dire lorsque, dans la présentation de cette rubrique, nous écrivions que les premiers des poètes étaient les ouvriers. Les vers qui précèdent, que nous conserverons en exergue de cette rubrique, en témoignent.
     Le poème que nous présentons ci-dessous en est un exemple concret. Mais, au-delà de la beauté des images et des couleurs, il faut saisir le contenu, et, pour cela, comprendre ce qu'est la sortie du puits pour un mineur dans les pays où sévit l'exploitation de l'homme par l'homme.
     Le mineur a à la fois un des plus beaux métiers qui soient parce que, à chaque instant, il viole la nature dans ses profondeurs, et l'un de ceux où le poids de l'exploitation et de l'aliénation est, par là-même, plus intense. A la sortie de la mine, neuf heures passées au fond, dix tonnes abattues à bout de bras, ou plutôt à bout de marteau-piqueur, le corps et les sens secoués par ses vibrations, l'attention en éveil pour affronter le minerai, en pressentir les faiblesses, surveiller le toit, poser les bois ; à la sortie du puits, peu à peu, la tension retombe, la lumière du jour approche, avec elle la vie quotidienne, la famille, ses joies, mais aussi ses problèmes du pain, de l'habillement, la scolarité des enfants, avec elle, toute la mécanique oppressante du jour, des enceintes gardées, de l'injustice présente.
     La suppression de l'exploitation de l'homme par l'homme ne supprime pas d'un coup le travail pénible, la tension du fond, mais rend l'honneur du travail, la joie et la lumière au jour, même aux jours gris, écoutez, sous la pluie :

 

                                    Sous la pluie (2)

 

L'équipe des chercheurs remonte
Du ciel tout gris tombe la pluie
Les enfants sous des parapluies
Se hâtent vers l'entrée du puits.


Parapluies rouges, parapluies jaunes.
Pétales flottant dans le vent,
Parapluies verts, parapluies bleus,
Lotus bercés des eaux d'automne.


La queue leu leu bariolée
S'enroule comme un beau tableau
Bravant le vent, bravant la pluie
Plus belle que la roue du ciel.


Ils font le rond devant la porte
Comme enguirlandée de corolles,
Touffes de pivoines ouvertes
En triomphe aux héros offertes.

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(1) et (2) Textes parus in «Poètes du peuple chinois». P. J. Oswald 1969.
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