jilali gharbaoui

pp. 53-55

Né en 1930 à Jorf el-Melh (Gharb)


Etudes secondaires et techniques au Maroc

Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris


Etudes à Rome


Participation à la Biennale de Paris


Participation au salon « Comparaison »


Figure dans une sélection du groupe des Informels envoyée au Japon, au Mexique et en Allemagne


Maquettes des décorations murales du Monastère de Toumliline, Maroc


Participe avec « la jeune peinture marocaine » à des expositions en
Egypte et aux Etats-Unis


Exposition de ses dernières œuvres dans les principales villes du Maroc


Représenté dans quelques collections importantes au Maroc, à Londres, à Paris et aux Etats-Unis


Projet d'exposition, avec l'aide de Pierre Restany, à Amsterdam et
Rotterdam


Diverses expositions de groupe actuellement à New York, organisées
par le jeune critique Maucotel

 

Réside au Chellah, Rabat

   1


Je suis passé par diverses tendances picturales : impressionnisme français, la peinture hollandaise ancienne et l'expressionnisme en Allemagne. J'ai commencé à faire de la peinture abstraite dès 1952. Revenu au Maroc, j'ai senti qu'il fallait sortir de nos traditions géométriques pour faire une peinture vivante : donner un mouvement à la toile, un sens rythmique et le plus important, en ce qui me concerne, trouver la lumière.
     Cette lumière que l'on trouve chez les peintres hollandais froide, abstraite comme chez Vermeer de Delft, j'ai essayé de la rendre chaude et visible.
     La quête de la lumière est pour moi capitale. La lumière ne trompe jamais. Elle nous lave les yeux. Une peinture lumineuse nous éclaire.
     La peinture sans lumière ou la peinture intellectuelle arrive toujours à fausser notre vision et notre rapport avec le monde.

     D'une manière générale, je ne peux pas faire de bilan, même provisoire. Quinze ans de travail ne suffisent pas. J'ai encore l'impression de débuter.

   2


C'est très délicat. Ce n'est pas à moi de toute façon d'analyser ce rapport.

     Autre chose. Notre tradition plastique est avant tout fonctionnelle. Notre art s'est manifesté le plus dans l'architecture.
     Mais de création plastique au début (l'Alhambra est un chef-d'œuvre plastique) l'art au Maghreb s'est répété pendant des siècles. Il est tombé dans le plagiat.

     La tradition m'a certainement été d'un apport visuel. On ne peut pas échapper à son environnement. Mais on ne peut pas toujours décrire ce que l'on porte en soi.

     Mon travail personnel a toujours été un effort de dépassement. Mon expérience peut servir à la fois l'artisan et l'artiste moderne.

   3 et 4

Lors de la Biennale de Paris en 1959, à laquelle participaient 42 pays, la jeune peinture marocaine a été une révélation pour les peintres de l'Europe. Et j'ai bien vu que notre peinture est encore beaucoup plus près de la terre que celle des autres pays.

 

     L'effort n'a pas été poursuivi pour faire connaître cette peinture.
     La Direction des Beaux-Arts au Maroc est entre des mains débiles. Et nous sommes souvent réduits pour nous faire connaître à l'étranger à passer par des missions étrangères.

     D'autre part, pendant mon séjour en Hollande (1965-66) j'ai bien constaté que les peintres sont bien protégés comme cela se passe dans plusieurs pays.
     A l'étranger, je peux produire et avancer beaucoup plus qu'ici. Il y a tout un contexte qui permet cela : un public déjà préparé, des musées, des critiques, des groupes et des mouvements en face desquels on peut se situer.
     Au Maroc, la bataille reste à mener pour imposer notre peinture, créer un mouvement d'intérêt autour d'elle. Mais cette bataille ne peut qu'être lente car le contexte général n'est pas dynamique. La peinture marocaine s'était énormément développée il y a 10 ans. Mais depuis quelques années elle est freinée dans son élan par divers obstacles.

     L'enseignement au Maroc est incomplet. Rien ne prépare le Marocain à recevoir ce que nous faisons dans le domaine plastique.
     On n'habitue pas dans les écoles la jeunesse à voir.                                      
     En outre, la peinture que les missions étrangères exposent au Maroc est une peinture déjà classée et faisant partie du passé, un passé fragmentaire d'ailleurs.Ceci n'amène pas le public marocain qui va voir cette peinture à connaître la peinture moderne et les recherches actuelles dans le monde.   
      Par conséquent il ne peut pas non plus communiquer avec notre peinture qui s'inscrit dans les mouvements plastiques d'aujourd'hui.
      Nous sommes handicapés aussi par la présence au Maroc d'une peinture exotique faite souvent par des étrangers (parfois par des marocains) : peinture qui est née au Maroc sous le protectorat pour alimenter le goût des officiers et autres.
     Cette peinture qui est d'ailleurs refusée même en France tient ici la scène et gêne le développement de la peinture marocaine.

     L'art ne peut évoluer dans un pays que lorsque les structures sociales et économiques peuvent le permettre. Dans l'état actuel des
choses nous nous trouvons devant une impasse.
     Nous vivons plus ou moins en exil, et c'est cela que nous réserve notre pays.